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Tout comprendre du Nudge en 10 minutes

Temps de lecture : 13 minutes

Sommaire

Introduction

Chez Haploïde, toutes les actions qui favorisent les comportements vertueux pour l’individu comme pour la planète nous passionnent.

C’est pourquoi il était impossible de ne pas aborder le nudge. Dans cet article, vous allez découvrir les origines du nudge, ses applications concrètes et des conseils pour l’appliquer au sein de votre communication.

Comme nous le verrons plus tard, le nudge est principalement un outil d’incitation (et non d’obligation) qui permet de promouvoir des comportements vertueux, à la fois pour l’individu, le collectif et la planète.

Mais commençons par l’essentiel.

Qu’est-ce que le nudge ?

Le nudge, c’est un ensemble de techniques qui permettent d’inciter le passage de l’intention à l’action. Le mot nous provient de l’anglais, que l’on peut traduire par “coup de pouce” : c’est l’idée d’inciter l’individu à adopter un certain comportement sans l’y contraindre.

Le nudge est basé sur les travaux de Cass Sunstein et Richard Thaler, prix nobel (équivalent) d’économie pour ses travaux sur l’économie comportementale en 2017.

Il s’agit d’un concept assez récent puisque le premier ouvrage de Sunstein et Thaler consacré au nudge date de 2008 !

La théorie de l’économie comportementale (behavioral economics) s’appuie sur un ensemble de travaux qui tendent à montrer que l’homme n’est pas un un être purement rationnel et calculateur : leurs travaux montrent que nous prenons tous des décisions parfois irrationnelles qui sont affectées par notre environnement, nos émotions, notre culture et nos expériences.

Cette théorie part donc du principe que malgré le fait que nous possédions une information (par exemple, que fumer est mauvais pour la santé), nous continuons à adopter des comportements qui rationnellement parlant, ne servent pas notre intérêt, ni celui de la collectivité, ou encore de la planète.

L’influence de nos émotions, des autres et de notre environnement provoque donc des comportements dits influencés par un ensemble de biais cognitifs, c'est-à-dire des distorsions dans le traitement cognitif d’une information.

Il existe des centaines de biais cognitifs, comme notre tendance à généraliser et à écarter les spécificités (“ils sont tout le temps en retard ces trains !), ou bien encore notre tendance à remarquer les détails qui confirment notre croyance (“encore un mouchoir par terre, c’est sale!”).

Partant de ce principe, le nudge s’appuie sur la compréhension de nos biais cognitifs et l’étude de nos comportements pour créer des incitations à adopter un certain comportement.

Le nudge, c’est donc une petite (parfois infime) modification de notre environnement qui permet d’influencer les mécanismes de choix autour d’un comportement.

Que fait-on avec le nudge ?

Avec le nudge, on peut faire beaucoup de choses ! En effet, la palette des actions possibles du nudge est très large et le nudge peut provoquer des changements à grande échelle avec de petites actions, ce que l’on sympolise par l’idée du “coup de pouce”.

C’est donc une technique qui intéresse beaucoup les organismes publics mais également certaines entreprises privées qui cherchent à y trouver une solution simple pour provoquer des changements d’habitudes et de comportements.

On compte donc parmi les premiers utilisateurs historiques du nudge plusieurs gouvernements, dont celui de Barack Obama et de David Cameron au Royaume-Uni, qui se sont servis du nudge pour promouvoir l’adoption d’un certain nombre de comportements liés à la fiscalité, à la santé ou encore à la sécurité routière.

Au Royaume-Uni, une “nudge unit” sous le nom de "Behavioural Insight Team” a ainsi été créée et chargée de travailler sur plusieurs grands chantiers publics dont la collecte d’impôts, le don d'organes et la sécurité routière.

Moins d’excès de vitesse en Angleterre grâce au nudge

Au cours de son travail sur la sécurité routière, la “nudge unit” Anglaise a été chargée de réfléchir à des méthodes permettant de réduire le taux de récidive des conduites en excès de vitesse.

En analysant les lettres d’amendes envoyées aux conducteurs en délit, l’agence a lancé un test qui a consisté à inclure dans ces lettres deux nouveaux éléments : une recommandation d’actions pour éviter de récidiver et une photo de la voiture du conducteur flashée au moment du contrôle de vitesse.

Le résultat ? Cette petite modification sur le courrier de l’amende a permis de réduire le taux de récidive de 20%, d’augmenter le taux de paiement de 15% et de réduire le taux de poursuites judiciaires de 40%.

Le Nudge peut aussi provoquer une action directe, comme on peut le voir avec ces cendriers “sondages”, dont l’aspect ludique incite à contribuer au “jeu” tout en diminuant le nombre de mégots jetés au sol.

Boite de collecte de mégots sur la quelle il est écrit
Source : Google

Réduire la consommation d’énergie aux États-Unis

Aux États-Unis, la société O-Power a mis au point une facture un peu...spéciale pour ses clients sous contrats d’électricité.

Le concept ? En ouvrant votre facture d’électricité, vous trouverez votre consommation mensuelle...et celle de vos voisins grâce à la consommation moyenne du quartier où vous résidez. Une incitation sociale à se comparer aux voisins et donc à diminuer sa consommation qui s’accompagnait d’un smiley, plus ou moins content selon votre performance dans le voisinage en termes de consommation.

En implémentant ce nudge pour ses clients, la société OPower a observé une baisse de consommation d’électricité de 2 à 7%, selon les modes d'implantation (source), équivalent à une économie totale énergétique de 75 millions de dollars pour les foyers (source).

Moins de déchets au sol au Danemark

Depuis 2011, le Danemark expérimente sur le nudge pour favoriser et promouvoir les comportements responsables et vertueux.

La même année, des étudiants Danois ont mis en place un système de “d’empreintes vertes” montrant le chemin vers les poubelles, afin d’inciter les citoyens à ne pas jeter leurs déchets au sol.

Des pas jaunes sont peints au sol en direction d'une poubelle
Source : Google

Selon Arte, ce simple nudge a permis au cours d’une expérience de réduire de 40% le nombre de déchets trouvés aux abords de la poubelle; en comparaison avec une poubelle seule.

Comment faire du nudge ?

Vous l’aurez compris, faire du nudge, c’est inciter des comportements vertueux sans contrainte.

Dans cette partie, intéressons-nous à l’aspect pratique du nudge : quelles sont les étapes à suivre pour adopter une démarche de nudge ?

L’étape de l’analyse-conception

La première étape pour créer du nudge consiste à définir le comportement ou le choix que l’on souhaite influencer.

En nudge, on constate que ce sont les petites actions ciblées qui fonctionnent le mieux : il vaut mieux éviter d’essayer de “nudger” sur une thématique trop large comme “faire du sport”, puisque ce comportement est déterminé par un ensemble de facteurs trop important à traiter.

Si l’on reste sur l’idée de “faire du sport”, il sera donc plus intéressant d’analyser l’ensemble des comportements liés à cette pratique et d’agir sur 1 ou 2 micro comportements qui y sont liés.

Pour cela, il sera donc nécessaire d’analyser les comportements liés à la pratique sportive et de sélectionner des comportements sur lesquels un “coup de pouce” serait utile.

Dans notre exemple, promouvoir l’utilisation de l’escalier plutôt que de l’ascenseur serait une piste intéressante à explorer : c’est un choix simple, qui influence beaucoup de monde et à une fréquence élevée.

L’idée ne sera donc pas de “forcer” les utilisateurs à prendre l’escalier en condamnant l’ascenseur, mais à donner ce petit “coup de pouce” au moment de la prise de décision qui pourra avoir un grand effet.

À noter que l’étape d’analyse peut prendre du temps et nécessiter des moyens humains : il faut mener un travail d’observation, puis d’analyse et enfin de reporting pour déterminer les types de choix ou de comportements qui pourraient être l’objet d’un nudge.

L’étape de test

Il n’existe pas de feuille de route parfaite à suivre pour désigner son nudge : tout dépend de l’environnement qui influence les choix et les comportements que l’on souhaite changer : certains environnements, habitudes ou infrastructures peuvent bloquer la mise en œuvre d’un nudge.
C’est pour cela que le nudge doit comprendre une logique de tests : il faut rester agile et itérer sur ses hypothèses pour tester plusieurs techniques et trouver la combinaison gagnante.

Cela étant dit, voici quelques scénarios de nudge qui peuvent être mis en place pour tester vos hypothèses :

  • Le changement du choix par défaut - est utilisé lorsque le comportement que vous essayez de faire évoluer représente “la norme”. En changeant le choix par défaut lors de la présentation du choix, on inverse alors la norme. C’est une technique qui a notamment été utilisée dans plusieurs pays pour le don d’organes.
  • Les rappels - peuvent être utilisés lorsqu’on essaye d’influencer un comportement sur la durée qui nécessite une certaine répétition, comme le fait de suivre un traitement médical, ou une activité physique par exemple.
  • Les choix pré-conçus - sont utilisés lorsqu’on souhaite intervenir sur des actions sur lesquelles on estime que les choix habituellement faits devraient changer : il s’agit alors de suggérer soi-même les différentes options de choix.
  • L’ingrédient fun - est une technique qui consiste à susciter l’amusement ou le rire face à une situation dans le but de déclencher un comportement. Pour en savoir plus, je vous invite à regarder la campagne “The Fun Theory” sur YouTube menée par Volkswagen à Stockholm.
  • La norme sociale - est une technique qui consiste à jouer sur la comparaison sociale pour induire des comportements : c’est ce qu’a fait OPower en incluant la consommation du voisinage sur les factures d’électricité individuelles.
  • Le changement de présentation de l’information - permet de mettre en avant des informations ou des incitations habituellement noyées par le reste des informations présentes. Par exemple, en colorant les pistes cyclables d’une certaine couleur, on aide les cyclistes à mieux distinguer la piste de la chaussée : c’est une incitation à l’utiliser.

L’étape d’interprétation des résultats

Enfin, le nudge doit être analysé pour mesurer les résultats de l’expérience.

Comme pour le design des tests, la mise en lumière des résultats ne peut pas suivre une même recette miracle tant les situations de nudge peuvent être différentes.

Pour autant, il est nécessaire de prévoir en amont du test les métriques qui seront suivies pour valider l’impact du nudge : cela peut se mesurer en termes de fréquentation, d’adoption d’une infrastructure, d’inscriptions à un service etc….

Dans les cas où il serait difficile d’isoler le “nudge” comme seul facteur d’amélioration, il est conseillé de reproduire l’expérience à plus petite échelle, en excluant les autres facteurs. Expérimenter sur un échantillon plus petit vous permettra de mieux mettre en lumière l’impact de votre nudge sur le changement de comportement que vous désirez.

Appliquer le nudge à la communication écologique

Chez Haploïde, nous soutenons toutes les initiatives qui permettent de faire adopter des comportements plus vertueux pour les individus et la planète.

En ce sens, nous pensons que le nudge peut avoir des effets puissants et provoquer de réels changements de comportements vertueux.
Cependant, nous pensons aussi que certains changements doivent être accompagnés d’une communication plus large pour évoluer.

Le nudge est avant tout un outil au service de la communication, qui permet d’obtenir de grands résultats avec de petits changements.

Dans notre domaine de la communication écologique, beaucoup de comportements doivent être progressivement amenés à évoluer vers des choix plus vertueux, qu’il s’agisse de l’utilisation de matières premières écologiques, de la réduction des ressources utilisés ou encore de la collaboration avec entreprises locales.

Pour y parvenir et inciter les entreprises et citoyens à adopter des comportements plus vertueux, le nudge peut être une technique très pertinente, qui permet de cibler un ensemble de micro-comportements qui mis bout à bout, forme une grosse pièce du puzzle.

Limites et critiques du nudge

Le nudge peut être un outil puissant. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la plupart des institutions publiques et des grandes entreprises s’y intéressent aujourd’hui (exemple : DITP), suivant le gain d’intérêt des dirigeants pour la théorie des behavioural economics.

Pour autant, certaines mises en garde, formulées par les auteurs mêmes de la théorie du nudge, Thaler et Sunstein, méritent d’être mises en avant.

  • Le nudge peut être une manipulation - car le nudge peut être mis en place par n’importe qui, avec des bonnes ou des mauvaises intentions. Il existe d’ailleurs un mot qui décrit l’utilisation du nudge à des fins égoïstes et non centrées sur l’intérêt de l’utilisateur : on appelle cela le “sludge”.
  • Le nudge doit être transparent - c'est-à-dire que les personnes qui sont exposées au nudge doivent pouvoir en avoir conscience.
  • Le nudge doit pouvoir être contourné - il n’est en aucun cas une obligation et la personne qui y est exposée doit pouvoir librement choisir de ne pas le suivre.
  • Le nudge doit être vertueux - c'est-à-dire qu’il doit servir l’intérêt individuel ou l’intérêt commun. Ce n’est pas une méthode d’auto-promotion à des fins de profit.

Conclure sur le nudge

Bien qu’étant apparu récemment, le nudge a rapidement gagné en popularité grâce à son adoption par certains gouvernements et entreprises et grâce à la médiatisation du prix nobel d’économie remis à Richard Thaler en 2017 pour ses travaux sur les behavioural economics.

Le nudge, si utilisé de façon vertueuse, peut être un formidable outil pour inciter le passage à l’acte entre l’intention et l’action. C’est également une technique souvent peu coûteuse dont les effets peuvent être puissants et diffusés à grande échelle.

Pour construire un nudge efficace, il est souvent nécessaire de passer par trois étapes : l’analyse-conception, la phase de tests et l’analyse des résultats. La réussite du nudge dépendra également de la capacité de l’équipe à se focaliser sur un ou deux comportements précis plutôt que chercher à faire évoluer un ensemble trop compliqué de facteurs aléatoires.

Lorsqu’il est appliqué de façon vertueuse, le nudge se prête également très bien à la communication écologique : c’est un outil très complémentaire qui permet, à l’aide d’un peu de créativité, d’intensifier le passage de l’intention à l’action au cours d’une campagne de communication plus globale.

Enfin, le nudge a pour objectif de provoquer des comportements vertueux. Il existe pourtant des applications du nudge non-vertueuses qui ne devraient pas être encouragées : le doit avant-tout être transparent et pouvoir être contourné, toujours dans le but de servir l’intérêt individuel ou l’intérêt collectif.

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