Audiovisuel

Le Guide de l’Éco-Production Audiovisuelle

Temps de lecture : 4 minutes

Sommaire

Introduction

Introduction

Séries, films, publicités, réseaux sociaux...notre environnement numérique regorge de contenus audiovisuels consommés quotidiennement sur tout un ensemble de supports qui vont du smartphone au cinéma en passant par la smart TV.

Pour autant, en France uniquement, l’industrie audiovisuelle libère à elle seule plus d’1 million de tonnes de CO2 dans l’atmosphère chaque année, soit l’équivalent annuel d’une ville de 100.000 habitants selon Novethic et Brut.

Le monde de la publicité joue également un rôle important dans la pollution audiovisuelle, notamment à cause de sa propension naturelle à pousser à la sur-consommation et à déformer la réalité des engagements écologiques des marques, parfois jusqu’au greenwashing.

Cette source de pollution importante peut cependant être réduite grâce à l’adoption de pratiques issues de l’éco-production audiovisuelle, qui promeut une réflexion profonde sur le paradigme du “toujours plus” du milieu audiovisuel ainsi qu’une utilisation plus intelligente des ressources de tournage et une réduction des émissions carbone et des déchets attribués à la production de contenus audiovisuels.

Cette prise de conscience au sein du milieu audiovisuel a notamment été amplifiée par la création du collectif ECOPROD en 2009 qui réunit des acteurs majeurs de l’audiovisuel comme France Télévisions, TF1, le Groupe Canal+ ou encore le CNC. Il a pour objectif de fédérer et d’engager les acteurs du milieu audiovisuel Français dans des pratiques environnementales vertueuses.

Dans ce guide dédié à l’éco-production audiovisuelle, l’équipe Haploïde vous propose de découvrir la dimension stratégique de l’éco-production pour les acteurs de l’audiovisuel. Vous découvrirez ensuite des astuces, techniques et méthodes pour créer des productions audiovisuelles plus éco-responsables ainsi que des exemples de société de production ayant réalisé des productions écologiques.

Quels sont les bénéfices de l’éco-production ?

Diminution de l’empreinte écologique liée à la production audiovisuelle

Le premier bénéfice de l’adoption d’une démarche d’éco-production est tout simplement de contribuer soi-même, en tant qu'individu ou organisation, à la réduction de la pollution et des émissions carbone issues de la création de contenus audiovisuels.

En effet, selon Novethic, la production d’une seule heure de programme télévisé équivaut à 10 tonnes de CO2, soit l’équivalent de l’empreinte carbone d’un Français sur toute une année. Selon ÉcoProd, le chiffre monte à 35 tonnes de CO2 pour un épisode de série tourné à Paris.

Il y a donc de vraies économies de ressources à faire grâce à une approche éco-responsable de la production.

Bien évidemment, certains petits changements (comme le recours à des ustensiles recyclables ou des solutions d’éclairage plus écologiques) peuvent paraître anodins de prime abord : c’est leur mise en place fréquente et sur plusieurs productions qui permettra de générer un réel impact au long terme.

Alignement avec les politiques RSE (côté production et côté client)

Avec la prise d’importance de la RSE au sein des comités exécutifs des entreprises, les objectifs environnementaux doivent se refléter dans l’ensemble de la chaîne de valeur des entreprises, y compris lors de la production de vidéos, films ou publicités.

À ce sujet, Sophie Delorme, directrice adjointe de la RSE chez France Télévisions déclare : “tous les secteurs s’engagent, pourquoi pas nous ? On ne peut pas évoluer sans prendre en compte l’urgence climatique qui est devenu un sujet de préoccupation majeur. Ça passe par la réduction de l’impact de nos productions mais également par l'évolution de nos contenus à travers les scénarios et les personnages qui peuvent aussi sensibiliser le grand public."

Dans le cadre d’Act4Nature, lancé en juillet dernier, France Télévisions s’est d’ailleurs engagé à ce que 50 % de ses productions aient entrepris une démarche d'éco-production d’ici 2022.

Il est intéressant de noter que l’alignement entre les objectifs environnementaux de l’entreprise et la production audiovisuelle éco-responsable peut aller dans les deux sens de la relation prestataire-client.

D’abord, dans le sens de l’engagement écologique des entreprises de production qui peuvent onboarder et éduquer leurs clients à une prise de conscience de l’impact écologique de la production et des tournages.

Ensuite, dans le sens de l’alignement entre les politiques RSE des entreprises clientes avec leurs productions audiovisuelles : c’est notamment le cas pour des prestations publicitaires où l’argument de production éco-responsable peut être mis en avant au sein même des campagnes de communication.

Consolider le lien avec les consommateurs

Selon une étude menée par l’AACC et l’ADEME sur la confiance des consommateurs envers les grandes entreprises, celle-ci paraît s’être fortement dégradée au cours des 15 dernières années. Il y a donc une réelle attente des Français pour davantage de crédibilité vis-à-vis des engagements pris par les entreprises.

Graphique du Baromètre Greenflex / ADEME sur la communication responsable (2019), à la question

Face à cette prise de conscience écologique, les producteurs du milieu audiovisuel ont un rôle à jouer pour satisfaire cette attente croissante des citoyens et des consommateurs.

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Source : Google search

À l’inverse, certaines productions à grands budgets font l’objet de critiques de la part des citoyens face à l’impact écologique des tournages : c’est notamment le cas du film James Bond : Spectre dans lequel il a été détruit pour plus de 30 millions d’euros de voitures, ou encore de Fast 7 dont la production a nécessité la destruction de plus de 230 véhicules.

Réduction des coûts de production

Bien que cela ne soit pas une règle absolue, l’éco-production audiovisuelle permet généralement d’aboutir à des économies sur les coûts de tournage et de production.

En effet, les changements appliqués à l’organisation des tournages, à l’utilisation de ressources et matériaux recyclés ou encore à la diminution des déplacements permettent souvent de réaliser des économies substantielles

Cascade avec une voiture soulevée par un homme
Source : Google Images

Vous ne le saviez peut-être pas, mais le tournage du film The Amazing Spider Man 2 est l’un des premiers tournages de blockbuster éco-responsable.

Pour y parvenir, l’équipe de Sony Pictures a fait appel aux services de
Emelie O’brien, éco-manager et fondatrice de Earth Angel Sustainable Production.

Pour la production du film, plus de 50 tonnes de matériaux recyclés ont été utilisés pour les décors et le tournage des scènes du film, en plus d’un programme de recyclage des textiles et matériaux utilisés pour le tournage ainsi que l’élimination de plus de 193.000 bouteilles d'eau.

Au total, Sony Pictures aurait économisé plus de 400.000 dollars sur le tournage, en plus de devenir la première production du groupe à atteindre le statut “neutre en carbone” grâce à la participation à un programme de compensation (source).

Comment créer des productions audiovisuelles plus éco-responsables ?

Dans cette partie, nous allons explorer ensemble les différentes méthodes et techniques qui permettent de créer des productions audiovisuelles plus écologiques.

Éco-conception des scripts et des scénarios

Pour être efficace, une éco-production doit commencer par une écriture plus écologique. C’est en effet à l’étape de l’écriture que sont souvent décidés les lieux de tournage, le nombre d’acteurs et de figurants et les moyens généraux qui seront déployés pour le tournage, qu’il s’agisse d’une publicité, d’une émission ou d’un film/série.

L’écriture des scripts et des scénarios joue donc un rôle clé dans la performance environnementale des productions audiovisuelles puisqu’elle détermine en partie la future ampleur des tournages et de la logistique qui y sera dédiée.

Égérie et ambassadrice de L’Oréal Paris, Eva Longoria est apparue en Mai 2020 (en plein confinement!) dans une publicité assez originale, puisque tournée entièrement à son domicile avec un smartphone !

En effet, face aux contraintes sanitaires, l’équipe de production derrière la gamme L’Oréal Excellence Crème a décidé de faire preuve de créativité et de réaliser une publicité “home-made”, qui contraste avec les moyens habituellement déployés pour des publicités de la sorte.

Pour entrer dans une dimension d’éco-production dès l’écriture des scripts et des scénarios, il est également nécessaire d’éduquer et d’amener ses clients sur des projets plus raisonnables.

En effet, pour beaucoup de maisons de production et d’agences publicitaires, le paradigme a longtemps été de “pitcher” des “grandes visions” aux clients, qui impliquent souvent de nombreux déplacements, voyages et des équipes nombreuses pour des productions de seulement quelques secondes ou minutes de rendu final.

Si l’on souhaite que le milieu audiovisuel évolue vers des pratiques plus écologiques, il sera donc nécessaire que ces mêmes acteurs apprennent à vendre l’idée que “plus n’est pas forcément mieux”.

Organisation des tournages

L’organisation des tournages joue un rôle clé dans la performance écologique des productions.

Les tournages sont en effet un facteur important de pollution puisqu’ils génèrent à eux-seuls une grande partie des déchets et des déplacements sources de pollution et d’émissions carbone.

Limiter et optimiser les déplacements

Le nombre et la distance parcourue lors des déplacements dépendent souvent de l’écriture initiale des scripts. En privilégiant des tournages plus locaux, vous réduirez significativement l’empreinte carbone liée aux déplacements. Vous pouvez également faire en sorte de limiter le nombre de déplacements optionnels et privilégier l’utilisation des transports en commun ou de voitures électriques lors des tournages.

Lieux de tournage

Bien évidemment, les lieux de tournage ont un impact important sur la performance écologique de vos tournages. Des tournages à l’étranger, des plateaux multiples et des déplacements internationaux fréquents sont autant de facteurs d’émissions carbone importants.

Gestion des échanges

Durant les tournages, de nombreux échanges (physiques, postaux et digitaux) ont lieu. Il est possible d’en réduire l’impact environnemental en privilégiant une centralisation des ressources afin de limiter l’envoi d’e-mails souvent lourds et inutiles et de privilégier des solutions de communication plus légères et flexibles comme Slack.

Vous pouvez également privilégier la dématérialisation des ressources, ce qui permettra de limiter fortement le nombre d’impressions de documents en papier.

Gestion des déchets et des ressources à usage unique (table régie)

La production de films et séries génère une quantité importante de déchets, notamment liés à la restauration de l’équipe. Ce sont donc potentiellement des milliers de bouteilles en plastique, vaisselles à usage unique et autres ustensiles qui peuvent être jetés et qui sont souvent mal gérés.

Lors du tournage de The Amazing Spider Man 2, la politique éco-responsable adoptée sur scène avait permis d’économiser la consommation d’environ 193.000 bouteilles d’eau en plastique.

Pour la saison 3 de la série Canal+ Baron noir, un éco-manager est intervenu afin de gérer les déchets issus du tournage. D’après la société d’éco-tournage SECOYA, ce sont 21.000 gobelets et 9.000 capsules de café qui ont pu être épargnés.

Recyclage des ressources, costumes et décors

Les tournages génèrent de nombreuses dépenses en achat de décors, costumes et ressources diverses. Pour autant, ces ressources n’ont pas à disparaître une fois les tournages terminés !

À titre d’exemple, selon l’Express, Darren Aronofsky “a fait fabriquer les costumes de “Noé” en matériaux récupérés, et Jurassic World a offert les plantes et les arbres utilisés sur le tournage à un institut de La Nouvelle-Orléans “. Pour le tournage du film Matrix Reloaded des sœurs Wachowski, l’équipe a recyclé plus de 97% des décors du film, à commencer par les 2 tronçons d’autoroute qui avaient été spécialement créés pour l’occasion.

En France, La Réserve des Arts (Pantin, créée en 2009), revend des chutes de matériaux récupérés et recyclés aux professionnels de la création. Une autre entreprise, ArtStock (Occitanie) recycle également des décors issus de l’audiovisuel et du spectacle vivant.

Éco-production des vidéos et des ressources

En plus des méthodes de tournage écologique, il est également possible de rendre plus écologique la création des contenus audiovisuels.

Créativité et choix du matériel

Pour rendre sa production plus écologique, il est parfois nécessaire de faire appel à la créativité de ses équipes et de privilégier du matériel plus léger afin de réduire les besoins en transports.

Pour le reporter Yann Arthus-Bertrand, cela consiste notamment par le recours à des drones plutôt qu’à des hélicoptères pour les prises de vue en pleine nature qui abondent ses documentaires. Dans un article pour Le Monde, il déclare : « C’est une question éthique et morale, on doit se la poser, insiste Yann Arthus-Bertrand. Je pense d’ailleurs que je vais de moins en moins utiliser l’hélicoptère. ».

Utilisation et réutilisation de rushs et de vidéos

Pour la production de certains contenus, notamment publicitaires ou promotionnels, il peut également être intéressant de privilégier l’utilisation de rushs issus de banques d’image, et donc déjà tournés, plutôt qu’organiser un tournage entier pour une prise de vue.

Il existe de nombreuses banques de vidéos qui permettent d’acheter des rushs prêts à l’emploi qui vous permettront de ne pas “shooter” la totalité de vos plans.

Gestion de la collaboration en post-production

La post-production est également un temps d’action où l’on peut agir. Sur les questions de transferts de fichier : il est préférable de tout stocker dans un endroit unique et en local afin d’éviter que les fichiers se baladent d’une boîte mail à l’autre, ce qui permet d’optimiser les échanges digitaux au maximum.

On pourra également privilégier les réunions en ligne plutôt que les réunions en physique, surtout pour les rendus intermédiaires, afin de limiter les déplacements inutiles.

En conclusion : adopter une production responsable dans l’audiovisuel.

Il est flagrant de constater que l’industrie audiovisuelle française libère des quantités énormes de CO2 dans l’atmosphère, en plus d’engendrer une pollution environnementale liée aux tournages.

Pour autant, nous avons vu qu’il existe de nombreuses bonnes raisons d’adopter une démarche écologique. Elle permet d’abord de réduire l’empreinte environnementale des sociétés de production et de leurs clients, tout en consolidant le lien avec les consommateurs qui demandent un engagement écologique. Elle permet également de créer de la cohérence entre les politiques RSE des entreprises et leurs actions concrètes lors de la production de contenus audiovisuels, tout en réduisant parfois les coûts de production.

Pour y parvenir, il est nécessaire de travailler en amont de la production et dès la conception des scripts afin de pouvoir par la suite diminuer la taille des équipes, limiter le nombre de déplacements et penser à la réutilisation des ressources dès le début du projet.

Lors des tournages, il faudra alors prévoir une meilleure gestion des déchets et la mise en place d’une action de recyclage des ressources, costumes et décors utilisés à cette fin.

Enfin, lors de la post-production, une meilleure organisation centralisée et la dématérialisation des documents permettront de limiter l’empreinte écologique des échanges.

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